Le Budget de l’Ontario 2016 réaffirme l’engagement du gouvernement à éliminer le déficit budgétaire d’ici 2017-2018 et à maintenir l’équilibre par la suite. Le plan de la province se fonde encore sur des projections de revenus relativement optimistes et sur une restriction ambitieuse des dépenses de programmes. Le maintien de l’équilibre au-delà de 2017-2018 devrait s’avérer difficile, vu la pression conduisant vers de nouvelles dépenses et la croissance des revenus toujours modérée.
Le gouvernement suppose une forte hausse des revenus au cours des trois prochains exercices, soutenue principalement par des projections économiques relativement optimistes, davantage de transferts du fédéral et de nouvelles recettes découlant du programme de plafonnement et d’échange. De plus, la première vente de capitaux propres d’Hydro One est venue gonfler ses revenus en 2015-2016.
Le gouvernement s’attend à ce que ses revenus s’accroissent au taux annuel moyen de 5,1 % entre 2014-2015 et 2017-2018, ce qui s’élève bien au-dessus du rythme de croissance moyen de 2,6 % des quatre dernières années, comme le note le rapport automnal du BRF[1].
Selon les projections, les dépenses de programmes augmenteront d’en moyenne 1,7 % par année de 2014‑2015 à 2017-2018. Si les nouveaux transferts fédéraux et les revenus du programme de plafonnement et d’échange sont injectés dans de nouvelles initiatives, la croissance des dépenses pour les autres programmes ne serait que de 0,8 % par année, bien en dessous de la moyenne annuelle de 1,4 % qu’on connaît depuis 2010.
Perspectives économiques de l’Ontario
Les projections de revenus du budget de 2016 se fondent sur une croissance du PIB nominal (la mesure unique la plus générale de l’assiette fiscale) de 4,3 % en moyenne, marquée par d’importants gains tant sur le plan du revenu du travail que des excédents des sociétés. Ce rythme de croissance est considérablement plus élevé que la moyenne de 3,2 % des trois dernières années.
Les prévisions économiques de l’Ontario reposent sur une croissance relativement robuste aux États-Unis, un dollar canadien compétitif, de faibles taux d’intérêt et une forte baisse des prix du pétrole. Bien que la province avance une croissance de 2,2 % du PIB réel, prudemment sous la moyenne des prévisions du secteur privé, son budget prévoit une croissance du PIB nominal légèrement supérieure à celle des économistes du privé, ce qui suppose une montée générale des prix supérieure.
Les projections budgétaires dépendent aussi beaucoup de changements importants dans les principaux moteurs de croissance économique réelle de l’Ontario : elles prévoient qu’une forte augmentation des exportations et des investissements des entreprises compensera la croissance plus modérée des dépenses des ménages. Cette tournure des événements est certes possible, compte tenu de la baisse du dollar canadien et du renforcement de l’économie américaine, mais elle n’est pas encore amorcée.
En 2015, les exportations réelles de l’Ontario ont augmenté d’à peine 0,7 %.
Les prévisions de croissance économique relativement optimistes du budget accentuent le risque que la réalité ne s’avère pas à la hauteur des attentes. Le budget souligne notamment certains risques économiques qui pourraient conduire à une croissance plus faible en Ontario, parmi eux : la volatilité et
l’incertitude de l’économie mondiale, la concurrence féroce rencontrée par les exportateurs ontariens, ainsi que la possible correction du marché de l’habitation, exacerbée par l’endettement élevé des ménages.
Hypothèses concernant les revenus
Les perspectives de revenus reposent avant tout sur les prévisions de croissance du PIB nominal relativement optimistes du budget. De plus, le budget tient compte d’un certain nombre d’hypothèses de revenus additionnels, dont ceux provenant du programme de plafonnement et d’échange, des nouveaux transferts du fédéral et de la vente prévue d’actifs du gouvernement.
D’ici 2017-2018, la province s’attend à empocher 1,9 milliard de dollars grâce à la vente de permis dans le cadre du nouveau programme de plafonnement et d’échange, profits qu’elle est légalement tenue d’injecter dans des initiatives de réduction des gaz à effet de serre.
Le budget suppose également l’ajout de transferts du fédéral de l’ordre de 0,7 milliard en 2016-2017 et de 1,3 milliard en 2017-2018. Cette supposition paraît prudente au vu de l’engagement du gouvernement fédéral à verser annuellement de 4 à 5 milliards de dollars en transferts entre 2016-2017 et 2018-2019, et de la part que peut espérer l’Ontario en proportion de sa population. La teneur de cet engagement sera précisée dans le budget du gouvernement fédéral, qui sera présenté le 22 mars prochain.
Enfin, le budget de 2016 fait état de revenus de 2,7 milliards pour la vente partielle d’Hydro One en 2015-2016, répartis entre plusieurs catégories de revenus. Cela dit, le gouvernement n’a pas fourni tous les détails concernant les effets de cette vente sur son plan financier.
Le plan suppose des recettes provenant d’autres ventes de l’ordre de 0,7 milliard de dollars en 2016-2017, et de 0,8 milliard en 2017-2018. Cependant, le budget n’indique pas quels actifs seront vendus. En outre, selon les conditions du marché, le moment et le produit des ventes futures pourraient ne pas correspondre aux prévisions.
Hypothèses concernant les dépenses
Dans le budget de 2016, on présume que les dépenses de programmes annuelles augmenteront d’en moyenne 1,7 % de 2014-2015 à 2017-2018, pour atteindre 2,7 % en 2018-2019. Cette croissance, plus rapide que ce que prévoyait le budget de 2015, dénote les nouvelles dépenses associées au programme de plafonnement et d’échange et au financement accru promis par le fédéral.
En supposant que les recettes provenant du programme de plafonnement et d’échange et des nouveaux transferts fédéraux soient en grande partie destinées à de nouvelles initiatives de dépenses[2], leur effet pourrait se révéler financièrement neutre, l’augmentation des revenus contrebalançant celle des dépenses. Si on exclut les dépenses associées à ces deux nouvelles sources de revenus, la croissance moyenne de toutes les autres dépenses de programmes chute à 0,8 % par année de 2014-2015 à 2017-2018, ce qui arrive sous la moyenne annuelle de 1,4 % des quatre dernières années. Comme le note le BRF dans son rapport d’évaluation économique et financière d’octobre 2015, bien que le gouvernement prévoie brider davantage les dépenses liées à ses programmes de base, il subira la pression grandissante de la croissance démographique et de l’inflation.
Bien que le budget esquisse quelques-unes des mesures prévues par le gouvernement pour réduire la croissance des dépenses de programmes, les détails restent vagues et les résultats, incertains. L’Ontario en est à sa cinquième année d’austérité en matière de dépenses du secteur public, et les pressions pour la faire dépenser davantage s’accentuent sans cesse. Par exemple, le gouvernement affirme avoir réussi à ralentir les augmentations salariales, mais selon les données de Statistique Canada, la croissance de l’emploi et des salaires dans le secteur public provincial a été plus élevée en 2015 qu’en 2014. À mesure que l’économie et l’inflation poursuivent leur ascension, les salaires et autres moteurs d’augmentation des coûts viendront exercer une pression croissante sur l’ambitieux plan de restriction des dépenses de programme du gouvernement.
Dette provinciale
Selon le budget, la dette nette devrait se porter à 296,1 milliards de dollars en 2015-16, comparativement à 284,6 milliards en 2014-2015. Par conséquent, le rapport dette‐PIB de la province devrait culminer à 39,6 % en 2015-2016, avant de reculer légèrement pour s’établir à 38,9 % du PIB en 2017-18. Dans son budget, le gouvernement provincial a réitéré son engagement à ramener ce rapport à 27 %, mais n’a fourni aucun échéancier.
Même si la croissance de la dette nette de la province ralentit, ses besoins d’emprunt totaux restent élevés, soit plus de 20 milliards de dollars par année.
David West* Économiste en chef dwest@fao-on.org
Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario
* grâce aux contributions de Luan Ngo, Edward Crummey et Nicolas Rhodes.
Renseignements pour les médias - Kismet Baun, Coordonnatrice des communications
416-254-9232 kbaun@fao-on.org
[1] Évaluation des perspectives économiques et financières à moyen terme pour l’Ontario.
[2] On ne sait pas vraiment dans quelle mesure ces nouvelles recettes seront directement affectées à de nouvelles dépenses de programmes ou si elles pourront servir à payer des dépenses déjà planifiées.
Le plan prévoit une croissance des revenus qui dépasserait celle des dépenses
Ce graphique montre deux courbes : les revenus totaux et les charges totales, en milliards de dollars, pour la période allant de 2007‑2008 à 2018‑2019. Après une baisse considérable des revenus postrécession, le gouvernement s’attend à une croissance des revenus supérieure à celle des dépenses durant la période à l’étude. En 2017‑2018, il prévoit que les revenus totaux dépasseront les dépenses totales.
Le budget suppose une croissance plus marquée des principales sources de revenus fiscaux
Ce graphique illustre les prévisions relatives à trois sources de revenus fiscaux, soit le PIB nominal, le revenu du travail et les excédents des sociétés, de 2015 à 2018, comparativement aux revenus réels de 2012 à 2015. Le PIB nominal devrait s’apprécier de 4,3 %, soit 1,1 point de pourcentage au-dessus du taux de croissance historique. Le revenu du travail et les excédents des sociétés devraient augmenter de 4,5 % et de 5,9 %, respectivement, soit 1,2 et 3,2 points de pourcentage de plus que les taux historiques.
Croissance des dépenses de programmes
Ce graphique montre deux courbes : les dépenses de programmes, et les dépenses de programmes moins les transferts fédéraux et le produit tiré du Programme de plafonnement et d’échange, en milliards de dollars, pour la période allant de 2010‑2011 à 2018‑2019. Les dépenses de programmes avant rajustement devraient augmenter de façon plutôt constante durant la période à l’étude, pour atteindre 127,6 milliards de dollars en 2018‑2019. Si on soustrait le produit tiré du Programme de plafonnement et d’échange et les nouveaux transferts fédéraux, les dépenses de programmes se stabiliseront de 2015‑2016 à 2017‑2018 (à environ 120‑121 milliards de dollars), avant de remonter en 2018‑2019 à 124,4 milliards. Le taux de croissance annuel des dépenses de programmes a été de 1,4 % en moyenne de 2010‑2011 à 2014‑2015. Déduction faite du Programme de plafonnement et d’échange